Haïku à thème bouddhique
«En célébrant les fleurs, je ne pense pas réellement aux fleurs ; en célébrant en mes vers la lune, je ne pense pas vraiment à la lune. Toutes ces phrases que je compose sont des paroles de vérité. Tous ces poèmes sont la forme véritable de l’Ainsi-venu. » Saigyô
"«aware» est un des 4 états d'esprit caractéristique du zen devant les instants sans but de la vie : sentiment diffus de tristesse et de douce mélancolie éprouvé par un esprit zen saisi par l'harmonie essentielle entre les hommes et les choses de la nature.
Les autres états sont : «sabi» lorsque l'ambiance du moment est empreinte de solitude et de paix ;
«wabi» lorsque l'artiste, triste et déprimé, perçoit l'incroyable naturalité d'une chose ordinaire ;
«yūgen» juste après la perception soudaine de l'inconnu mystérieux."
de Titus-Carmel dans «les 99 Haikus de Ryōkan» chez Verdier
Le poème japonais et le bouddhisme
Le poème japonais peut exprimer la réalité telle quelle
Selon Jean-Noel Robert dans ses conférences au Collège de France en 2012 :
Bien que la littérature japonaise traditionnelle possède des romans, Kawabata, lors de la réception de son prix Nobel de littérature, pour parler de littérature ne citera que des poèmes (17 en tout). L’essence de la littérature japonaise serait donc contenue dans les poèmes courts (waka). Mais ce qui a surtout surpris son auditoire, c’est qu’il n’a pas choisi des œuvres de grands poètes, mais des poèmes de moines zen. Ce n’est donc pas la poésie en tant que telle qui est l’essence de la beauté japonaise, mais la poésie bouddhique.
Kawabata commence par un poème de Dôgen :
« Au printemps les fleurs / En été le coucou/ En automne la lune/ En hiver la neige/ En son froid éclat. »
Ce poème peut à première vue sembler être un poème naturaliste qui célèbre la beauté du Japon aux 4 saisons, mais son titre montre qu’il n’en est rien. Le titre, « la face originelle », évoque les choses « telles qu’elles sont ».
Saigyô déclare : « Les fleurs, le coucou, la lune, la neige, tous ces signes phénoménaux qui, dans le foisonnement des choses, frappent l’oreille ou le regard, le font par leur inanité. (…) En célébrant les fleurs, je ne pense pas réellement aux fleurs ; en célébrant en mes vers la lune, je ne pense pas vraiment à la lune. » Il va de soi que c’est le cas aussi dans le poème de Dôgen, qui utilise ces mêmes images. « Pourtant, poursuit Saigyô, «toutes ces phrases que je compose sont des paroles de vérité. Tous ces poèmes sont la forme véritable de l’Ainsi-venu. »
Bien que la littérature japonaise traditionnelle possède des romans, Kawabata, lors de la réception de son prix Nobel de littérature, pour parler de littérature ne citera que des poèmes (17 en tout). L’essence de la littérature japonaise serait donc contenue dans les poèmes courts (waka). Mais ce qui a surtout surpris son auditoire, c’est qu’il n’a pas choisi des œuvres de grands poètes, mais des poèmes de moines zen. Ce n’est donc pas la poésie en tant que telle qui est l’essence de la beauté japonaise, mais la poésie bouddhique.
Kawabata commence par un poème de Dôgen :
« Au printemps les fleurs / En été le coucou/ En automne la lune/ En hiver la neige/ En son froid éclat. »
Ce poème peut à première vue sembler être un poème naturaliste qui célèbre la beauté du Japon aux 4 saisons, mais son titre montre qu’il n’en est rien. Le titre, « la face originelle », évoque les choses « telles qu’elles sont ».
Saigyô déclare : « Les fleurs, le coucou, la lune, la neige, tous ces signes phénoménaux qui, dans le foisonnement des choses, frappent l’oreille ou le regard, le font par leur inanité. (…) En célébrant les fleurs, je ne pense pas réellement aux fleurs ; en célébrant en mes vers la lune, je ne pense pas vraiment à la lune. » Il va de soi que c’est le cas aussi dans le poème de Dôgen, qui utilise ces mêmes images. « Pourtant, poursuit Saigyô, «toutes ces phrases que je compose sont des paroles de vérité. Tous ces poèmes sont la forme véritable de l’Ainsi-venu. »
La leçon inaugurale de Jean-Noel Robert au Collège de France, à propos de Kawabata : https://www.youtube.com/watch?v=mh5-xFOvXL0
Le waka, une forme accessible de l'expression du Bouddhisme
Cours de Jean-Noel Robert au Collège de France sur les poèmes bouddhiques : http://www.college-de-france.fr/site/jean-noel-robert/course-2011-2012.htm
Il s'agit «d'adoucir «Si le chinois est la langue dans laquelle s’est transmise la parole des bouddhas et des dieux de l’Inde, le japonais est la langue des kami, des divinités japonaises. (...) Le waka, le poème japonais qui est le lieu par excellence de la langue, a été créé par les dieux eux-mêmes, et c’est pour le consigner que l’on a élaboré le syllabaire national. Ce qui se dit en japonais est donc l’équivalent de ce qui s’écrit en chinois, mais adapté aux facultés d’assimilation du peuple japonais. Le particulier est de même teneur que l’universel, ce qui l’en distingue n’est autre que son extension plus restreinte. » dit Jean-Noel Robert.
On parle à ce propos de honji suijaku (本地垂迹), la base primordiale et les traces descendues. La base primordiale (honji) désigne le bouddhisme chinois et les boddhisattvas. Les traces descendues, ce sont les effets au Japon de cette trace primordiale, qui se manifeste sous la forme de kamis. Le poème japonais, le waka, en transposant la parole du sutra bouddhique chinois en des images et des mots typiquement japonais, rend ce message accessible aux japonais. Le poète joue ici le rôle de médiateur habituellement tenu par les kamis. On dit aussi «adoucir sa lumière pour s'assimiler à la poussière.»
On parle à ce propos de honji suijaku (本地垂迹), la base primordiale et les traces descendues. La base primordiale (honji) désigne le bouddhisme chinois et les boddhisattvas. Les traces descendues, ce sont les effets au Japon de cette trace primordiale, qui se manifeste sous la forme de kamis. Le poème japonais, le waka, en transposant la parole du sutra bouddhique chinois en des images et des mots typiquement japonais, rend ce message accessible aux japonais. Le poète joue ici le rôle de médiateur habituellement tenu par les kamis. On dit aussi «adoucir sa lumière pour s'assimiler à la poussière.»